Les dérives du Treasure Act où comment le système est victime de son succès
Depuis des années nous présentons le Treasure Act anglais comme un modèle à suivre de partenariat entre archéologues, musées et prospecteurs. Certains cas sont cependant remontés récemment à nos oreilles attestant que tout n’est pas si rose chez nos amis anglais. Il est donc de notre devoir de journaliste de les aborder dans ces pages. Cela fera surement plaisir à nos détracteurs…enfin attendez la fin de l’article pour vous faire une idée!
Les anglais: roi du pragmatisme
Pendant qu’en France, l’état spolie sans vergogne les inventeurs de trouvailles pouvant intéresser l’art, l’archéologie ou l’histoire, l’Angleterre a, elle, adopté depuis bien longtemps un système permettant de déclarer les trouvailles intéressantes sans risque de finir au tribunal ou de se les faire confisquer. Nous l’avons déjà expliqué dans le numéro 43 du magazine au retour de notre Rallye en Angleterre: les Anglais ont 20 ans d’avance sur nous en matière d’archéologie notamment dans le domaine participatif. En France, depuis l’été dernier et la modification de la loi patrimoine, il est devenu impossible de déclarer une trouvaille même fortuite du moment qu’elle a été faite au détecteur sans risquer d’ennuis. Imaginez la perte d’information que cela provoque. Et tout cela à cause d’une maudite chasse aux sorcières engagée il y a quelques années par une minorité de talibans de l’archéologie et relayée en haut lieu au ministère de la culture et dans certaines DRAC. C’est contre ce système injuste que nous militons depuis des années.
Le Treasure ACT: comment ça fonctionne ?
Le Treasure Act est une loi du Royaume-Uni votée en 1996. Elle concerne les trésors découverts en
Angleterre, en Irlande du Nord et au pays de Galles. Selon cette loi, toute personne découvrant un trésor sur un de ces territoires doit le déclarer au coroner le plus proche dans les quatorze jours suivant la découverte. Le coroner est un fonctionnaire chargé d’enquêter sur les circonstances d’un décès violent, obscur ou qui semble le résultat d’un crime, et d’en déterminer la cause. Une enquête est alors menée pour déterminer si les objets découverts constituent bien un trésor.
Est qualifié de Trésor:
- Tout objet métallique autre qu’une monnaie dont 10% de son poids est constitué d’or ou d’argent et date au moins de 300 ans.
- Deux monnaies de plus de 300 ans contenant au moins 10% d’or ou d’argent. Si vous trouvez des monnaies sans or ou argent, mais qu’elles sont au nombre minimum de 10, cela rentre dans le cadre du trésor. Il en va de même pour les objets votifs.
- Tout objet quelle que soit sa matière ou composition (pas seulement les objets métalliques) trouvé au contact d’un objet tombant dans la catégorie de trésor.
Là où la loi française reste vague (tout objet pouvant intéresser l’art, l’archéologie ou l’histoire….), le texte anglais est lui limpide…
Si l’objet rentre dans les critères le définissant comme trésor, le Treasure Valuation Committee, un organisme d’experts indépendants, est chargé de déterminer la valeur marchande du trésor, en vue de son acquisition éventuelle par un musée. Si aucun musée ne désire acheter le trésor à ce prix, le découvreur peut en disposer.
Grâce à cette loi 90% des trésors trouvés au Royaume Unis sont déclarés d’après les archéologues locaux. Le Treasure Act n’est cependant que la partie visible de l’iceberg. En effet, les prospecteurs anglais sont membres pour la plupart d’associations locales dont chacune est en contact avec un référent archeologique : le FLO(Finds Liaison Officer – Officie de liaison). Toutes les trouvailles sont étudiées et repertoriées sans une grande base de donnée publique appelée le Portable Antique Scheme gérée par le British Museum et accessible gratuitement en ligne ici: http://finds.org.uk
Les archéologues sont présents lors des rallyes, ce sont eux qui conseillent les zones à fouiller. Les prospecteurs déclarent directement leurs trouvailles qui sont répertoriées et leurs sont remises.
On vous laisse imaginer les progrès réalisés par les archéologues anglaise grâce à l’apport des prospecteurs. Grâce à nous, les anglais en savent beaucoup plus sur leurs origines grâce à des études et informations qui sont rendues publiques. La plupart de ces trésors sont visibles après étude et nettoyage dans des musées qui se portent acquéreur tout à fait légalement des plus belles pièces. Le prospecteur anglais possède donc un véritable statut, il est utile et peut même être dédommagé des trouvailles dont il se sépare auprès des musées. On est bien loin du misérable statut du prospecteur français, si tant est qu’il possède un statut !
Il recevra une compensation au même titre que le propriétaire seulement s’il possède l’autorisation écrite de détecter sur les terres du propriétaire.
Malgré l’aspect financier qui peut atteindre plusieurs millions de livres dans le cas de gros trésors pour les inventeurs, la plupart des prospecteurs anglais font ce loisir de manière totalement désintéressée. C’est d’ailleurs également le cas pour 99% des «détectoristes» de l’hexagone. Sachez enfin qu’un utilisateur de détecteur de métaux anglais qui ne déclareraient pas volontairement un «trésor» serait condamné à une forte amende et une peine de prison pouvant aller jusqu’à 3 mois. Le prospecteur anglais à des droits, mais également des devoirs.
L’histoire de Graeme et de son médaillon
Le Treasure Act a servi de modèle au Danemark, mais également à la Belgique comme nous l’avons déjà expliqué dans ces pages. Pourtant c’est loin d’être un système parfait. Graeme, prospecteur anglais depuis 30 ans et représentant de la marque Fisher en Angleterre, nous a fait parvenir cette anecdote. En 2013 il a trouvé un rarissime pendant en or saxon. Cette période est très prisée des archéologues mais également des collectionneurs. C’est un peu la même chose avec monnaies et artefacts carolingiens en France. Les trouvailles en or (et surtout les monnaies !) sont très rares à cette période. Pourtant Graeme avec ce médaillon, a tout de suite suscité l’intérêt du FLO qui a vu sa découverte. En effet, ce médaillon a été fabriuqé à partir d’un solidus de Théodose et a été confié au FLO de la région de Lancaster 3 jours après la découverte et après l’avoir montré au propriétaire. Au musée de Lancaster, malgré un intérêt historique certain, le conservateur a dénigré la trouvaille «pas si importante que cela». Puis, quelques mois après, une proposition de rachat de l’ordre de 400 livres (500 euros) est arrivée sur la table. Graeme se moque de la valeur commerciale de l’objet, ce qui lui importe c’est que le médaillon soit étudié et finisse dans un musée. Le fait que lui et le propriétaire touchent quelques centaines d’euros révèle simplement du bonus. Au final, l’évaluation passa à 250 livres, soit 300 euros. Clairement, cet objet vaut bien plus que cela. Graeme aurait pu faire appel de cette décision auprès d’une commission mais il ne l’a pas fait. Le fait qu’il finisse dans une vitrine de musée compensait largement cette sous-évaluation. Aujourd’hui ce qui énerve Graeme, ce n’est pas d’avoir été grugé sur la valeur de sa découverte. Non, ce qui le met hors de lui c’est que le médaillon n’a jamais été exposé dans une vitrine et a surement fini dans une boite.
Le contexte économique mauvais contribue à faire baisser les dotations aux musées anglais, d’où des offres très basses dans certaines régions. Un autre effet pervers du Treasure Act est que les archéologues ont récupéré tellement d’informations et d’artefacts que parfois certaines trouvailles ne sont pas étudiées avant longtemps ou ne trouvent plus la place d’être exposées. Après 20 ans, le Treasure Act commence donc à être victime de son succès.
Malgré ces quelques dérives, le Treasure Act contribue à faire de l’Angleterre le pays rêvé pour les prospecteurs et donc un modèle honni de nos détracteurs. Voilà pourquoi nous continuerons à vous présenter ici toutes les merveilleuses découvertes exhumées par des utilisateurs de détecteurs de métaux anglais.